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Ugo : Com & Photo
7 décembre 2010

Chronique : Libérez la bête - Casey

casey_itineraire




















Petite réminiscence d'une chronique du dernier album de Casey, qui sera en concert le 14 décembre prochain au Bataclan. Je serais présent afin d'immortaliser la soirée.

Libérez la bête. Le titre n’aurait pas pu être mieux choisi.

Casey, chanteuse de rap d’origine martiniquaise a le beat lourd, l’univers sombre, la voix posée. Franche, directe et percutante, elle balance et envoie, pleine tête.

Pas le temps de se reposer pour cette fille d’immigrée en provenance de Blanc-Mesnil. Il y a des choses à dire et tant de choses à faire. De la France hexagonal à celle d’outre mer, la rage éclate en un flow réfléchi, froid mais surtout au verbe fort et à l’écriture acérée.  

Des talents de conteuse derrière des basses vrombissantes pour celle qui ne veut que justice.

Entre fissures et cicatrices, suinte cette énergie limpide d’avancer, de progresser. Sa vie, sa famille, ses frères, son monde. Le monde des cités, le monde des inégalités, où le gris et le noir happent petit à petit chaque couleur.

Libérez la bête est une plongée au cœur du gouffre. Casey nous capture le temps d’un cd, conditionnant notre esprit à son monde à travers son Premier Rugissement. Les samples et quelques notes de synthé atténuent si peu la violence des maux.

Bien loin des clichés des banlieues façonnées par la drogue et l’argent, on navigue ici entre crasse, pisse et myriades de sang.

Concassant tout à la fois les forces de l’ordre et le dictat des médias dans Regard Glacé, Casey nous parle de l’image des banlieues, sans espoir d’avenir, sans futur ni devenir.

La Créature Ratée creuse encore l’écrasant écart entre blancs normaux et immigrés de couleur. Charge et véhémence pour une unique fin terrible, réservée aux fils d’Afrique. Renouvelant ses idées autant que son vocabulaire, les Rêves illimités deviennent cauchemars. Cauchemars d’une réalité oppressante, écrasante, forgeant le caractère ou détruisant l’âme. Cependant, parlant dans cette chanson à la première personne, Casey préserve un soupçon d’espoir, une envie inaliénable de poursuivre ses combats, de subsister et survivre.

Mon plus bel Hommage est un éclat de verve et de cynisme, offert au pays qui la voit mourir ; une fronde sans appel mais à l’écriture ô combien millimétrée,  soignée pour un gouvernement destructeur.    

A l’inverse, A la Gloire de mon Glaire, certes moins emprunt de finesse, semble construire Casey. Celle-ci renforce sa personnalité à chaque mot, grandissant un personnage vrai et vivant.

Petit Interlude le temps de ressortir groggy du premier acte et déjà on replonge en apnée dans les tortueuses mélodies où Ile-de-France et Fort-de-France sont si proches.

La chanteuse nous propose ensuite une charge en règle envers un de ces collègues – égérie de sa profession ? – n’épargnant ni le fond ni la forme. Apprend à t’taire pose clairement les bases de ce qu’est la musique de Casey et jette au feu avec un humour froid tous les stéréotypes qu’elle exècre.

Quelques nappes de clavecin introduisent Aux Ordres du Maître, en duo avec AL de Matière Première, où les voix pour un temps s’apaisent. Légère accalmie et rythmes maîtrisés pour une composition plus planante, dénonçant abus et excès de pouvoir de ceux dont le business est fait « du malheur des autres ».

Nouvelle descente avec le titre Marié aux Tours, dépeignant le portrait d’un banlieusard aux contours de caïd vieillissant et inoffensif.

Face à face, les yeux dans les yeux, Casey ne dit que la vérité. L’entendre ou la refuser, le message passe et passera. Entre éclats de verre et éclats de voix, une seule route, un seul but, écrire et encore annoncer et déclamer.

Primates Des Caraïbes - avec B.James et Prodige d’Anfalsh – et Sac de Sucre marquent l’enclave de laquelle Casey voudrait s’extraire, sans bien évidemment renier ses origines. Mais la rappeuse martiniquaise veut se départir de cette soumission, cet esclavagisme abject et ce délit d’infériorité fabulé qui colle à la peau d’un peuple. La douleur l’inspire et l’insupporte, elle hurle, des flammes dans les yeux et se consume dans une cage de préjugés. Il est temps,allez, Libérez la bête.

Fer de lance d’une révolte qui couve, Casey ne fait ni dans l’artifice ni dans l’édulcoré. Son univers est sombre et elle le revendique. Violence assumée, reflet de sa vie faite de luttes, cet album est avant tout une bouffée d’oxygène, une possibilité d’exister et d’agir.

Multipliant les projets – comme avec le projet rock et expérimental Angle Mort du groupe Zone Libre, initié par le guitariste de Noir Désir Serge Teyssot-Gay – cette fille des îles sait ce qu’elle veut. Nageant dans le béton, brûlant de haine au milieu des lampadaires au teint blafard, elle nous délivre un opus d’une grande maîtrise, aiguisé et coercitif ; on ne sort pas indemne d’un tel voyage…

Mais il est certain que le jeu en vaut largement la chandelle…

 

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  • La photo : une grande histoire d'amour. Ici, à la fois des photos de concert, de paysage, des portraits, mais aussi des photographies d'architecture. De l'abstrait au photo journalisme, en passant par le conceptuel ou l'étude propre, tout m'attire.
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